MARIE CARAYOL

Le besoin de développement de la coopération et des compétences sociales est présent partout.

Un constat alarmant

D’après les statistiques fournies par le Fuller Institute, George Barna et Pastoral Care Inc. en 2008 :

  • 80% des diplômés du séminaire et des écoles bibliques qui entrent dans le ministère quitteront le ministère dans les cinq premières années.
  • 85% des pasteurs ont déclaré que leur plus gros pro­blème était qu’ils en avaient assez de traiter avec des personnes à problèmes, comme les anciens mécontents, les diacres, les responsables de culte, les équipes de culte, les membres du conseil d’administration, les comi­tés nationaux et les pasteurs associés.
  • 90% ont dit que la chose la plus difficile dans le minis­tère était de traiter avec des gens peu coopératifs.

L’enquête menée par Lucie Bardiau-Huys dans le cadre de sa thèse : « Quitter ou non le ministère pastoral ? Une analyse des motifs et du processus décisionnel » (https://theses.hal.science/tel-00786109) nous éclaire sur plusieurs points.

Elle nous parle notamment de l’ascenseur émotionnel auquel sont soumis les pasteurs et de son impact sur leur état psychique dû entre autres aux attentes jugées « exacerbées » des paroissiens et aux difficultés relationnelles et organisationnelles continues. Combien de responsables d’Église confient être déjà passés plusieurs fois près de tout lâcher à cause de ces facteurs humains complexes et des attentes énormes qui peuvent être les leurs parfois, parce que les paradoxes et injonctions contradictoires sont si forts, parce que parfois le résultat est carrément contre-productif, parce que le « à quoi bon » vient régulièrement gratter à la porte. Parce que l’inconfortable et l’insatisfaction épuisent, parce que la remise en question essouffle, ou encore parce que le déni dévitalise petit à petit…

En ce sens, l’acquisition de nouvelles compétences sociales et d’une posture de facilitateur est une condition pour que le pasteur et les responsables d’Église puissent fonctionner sereinement et sur la durée en s’engageant sur le chemin du changement de paradigmes.

Un ouvrage sur la coopération, issu d’une recherche-action interdisciplinaire

Depuis 2017, forte d’une expérience de 15 années de travail social et de mise en œuvre d’un pouvoir d’agir dans un quartier prioritaire de Strasbourg, j’ai mis mon expérience et mes apprentissages au service d’associations, de collectivités, d’institutions ou de particuliers, confrontés à des changements en interne ou dans l’environnement, à des tensions relationnelles, aux questionnements et pressions liés à des fonctions et places exigeantes, ou encore à des difficultés récurrentes.

Fréquentant divers milieux chrétiens depuis mon enfance, j’ai souhaité en 2020 rassembler des responsables de divers courants protestants et évangéliques pour cheminer ensemble sous un format de recherche action. Nous avons échangé autour des enjeux, joies et défis de la coopération dans ce milieu spécifique. Cela a permis de produire un ouvrage réflexif et pratique (voir : https://altherite.com/ouvrage-collaboratif-presentation). Il est assorti de beaucoup de témoignages de terrain, de ressources stimulantes issues de la sociologie des organisations, de l’élément humain, de la thérapie sociale, de la systémie. Au-delà de ces grilles de lecture, on y trouve de nombreux outils sous forme de questionnements et exercices. Le livre est aussi magnifiquement illustré mélangeant savamment l’artistique et la pédagogie.

On y parle de changement, de posture adéquate et de gouvernance partagée. L’ouvrage montre que coopérer est nécessaire et possible ; cela requiert une intentionnalité et une responsabilité fortes, une conscience de soi aiguisée ainsi qu’une ouverture à l’autre dans l’attente de rencontrer sa richesse. Le livre présente également différentes démarches et méthodes au service de la coopération. En ce sens, il rejoint la mission première de l’Église. Il se construit sur un cheminement spécifique allant de la prise de conscience individuelle à la transformation collective.

De nombreuses églises l’utilisent régulièrement et j’ai la joie de les accompagner sur des enjeux spécifiques liés à la coopération. Celle-ci est nécessaire non seulement pour performer mais surtout pour grandir et se transformer. C’est par des personnes conscientes d’elles-mêmes, de leurs paroles et de leurs actions individuelles et collectives que l’on arrivera à changer le monde.